MATISSE et la Blouse Roumaine au Centre POMPIDOU
Publié le 14 Mai 2020
Focus sur la toile "La Blouse Roumaine" d'Henri MATISSE qui fait l'objet d'une salle dédiée au centre Pompidou en ce moment (avant confinement en tout cas !).
Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet cela.
Il fait photographier chaque étape de l'élaboration de cette œuvre, afin de conserver une trace de chaque séquence de travail ...
... En décembre 1945, il expose à la galerie Maeght La Blouse Roumaine, intitulée alors La blouse paysanne, avec une série de treize clichés représentant le processus de création de cette peinture.
Site du centre Pompidou :
"Henri Matisse a travaillé six mois sur cette toile et l’a photographiée à des étapes significatives de sa longue élaboration. Il expose ces clichés autour de la toile en 1945, mettant ainsi en valeur le travail progressif de simplification nécessaire pour atteindre le traitement synthétique de la ligne et de la couleur auquel il aspire. Dans sa forme définitive, les détails du modèle ont été supprimés, grattés ou recouverts afin d’atteindre un accord entre les trois couleurs, une simplicité décorative et une ampleur dans les courbes pleine de vitalité.
« Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet cela », explique-t-il.
La Blouse roumaine marque l’aboutissement de cette recherche et annonce les couleurs pures de la dernière période de l’artiste."
Isabelle Monod-Fontaine
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007
Matisse a travaillé cette toile pendant six mois, du 5 octobre 1939 au 9 avril 1940. Mais l’origine du motif est un peu plus ancienne. Dès 1936, des blouses brodées à larges manches revêtent le modèle (alors Lydia Delectorskaya) dans certains des magnifiques dessins à la plume publiés dans le no 3-5 de Cahiers d’art. De nombreuses autres études dessinées, plus ou moins directement liées au tableau, sont réalisées fin 1939, d’après Micheline Payot, « brune, belle, l’esprit vif », selon le témoignage de Lydia Delectorskaya.
Matisse a d’autre part fait photographier, comme c’était son habitude depuis 1935, certaines des étapes les plus significatives de la longue élaboration de cette toile, posée par le même modèle. Dans un parti volontairement didactique, onze grands tirages encadrés de ces photographies ont été accrochés sur les cimaises de la galerie Maeght, en décembre 1945, autour de la toile – démonstration voulue par Matisse pour faire comprendre enfin que la « simplicité » à laquelle il parvenait (et qu’on lui reprochait) n’était pas une évidence miraculeusement atteinte, mais le résultat d’un difficile travail d’élimination. La même séquence figure dans le film documentaire réalisé en 1945-1946 par François Campaux.
De fait, La Blouse roumaine pouvait apparaître comme un objet de démonstration privilégié. Au départ, un fond fleuri (apparemment le même que celui de Figure décorative sur fond ornemental), un modèle coiffé en boucles et coques brunes à la mode de l’époque, vêtu de la « belle blouse roumaine ancienne, une blouse de broderie au petit point vieux rouge » et d’une jupe également imprimée de motifs de fleurs, en position assise, de biais sur un siège recouvert de tissu à carreaux.
À l’arrivée, en avril 1940, tous ces détails ont été supprimés, grattés ou recouverts. Sur un fond rouge uni, la figure s’est déployée, et le visage redressé surgit comme une fleur de l’épanouissement des manches blanches immenses, qui occupent toute la largeur de la toile, au-dessus de la jupe désormais bleue. Cet accord tricolore, l’élan des motifs décoratifs simplifiés, les courbes organiques qui magnifient la ligne des épaules, expriment la vitalité, l’énergie, comme les lignes de construction rayonnant autour du Portrait de mademoiselle Yvonne Landsberg (1914, Philadelphia Museum of Art).
Dans une toile jumelle, commencée en janvier 1940, mais reprise et achevée le 4 octobre, au retour d’un exode mouvementé, les mêmes manches semblables à des ailes sont repliées, et la figure aux yeux fermés est abritée au creux des bras : deux attitudes opposées qui sont peut-être la traduction plastique, inconsciente, de l’ambivalence des sentiments qui agitaient Matisse au moment où débutait une nouvelle guerre en Europe. Il ne pouvait manquer – il l’a dit et écrit bien des fois – d’être profondément assombri et angoissé par la situation. Il ne pouvait manquer aussi d’espérer, et de résister à sa manière, en restant en France (des invitations à se rendre en Amérique du Sud ou du Nord lui avaient été adressées avant l’été 1940), et en continuant à travailler du mieux possible.
Voir lien ci-dessous
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Matisse a travaillé cette toile pendant six mois, du 5 octobre 1939 au 9 avril 1940. Mais l'origine du motif est un peu plus ancienne. Dès 1936, des blouses brodées à larges manches revêtent l...
https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/matisse/blouseroumaine.htm
Sur la photo de Hélène Adant, un peu plus haut, montrant le "Bureau de Matisse du 132, Boulevard de Montparnasse en 1945/46", on aperçoit le tableau "Le Rêve" qui met en scène la 'blouse roumaine' et ses motifs bariolés.
Ces 2 chefs d’œuvre ont été réunis en 2012, toujours au centre Pompidou, lors de l'exposition "Matisse, paires et séries".
La Blouse roumaine et Le Rêve forment l’une des paires les plus ambitieuses de l’œuvre de Matisse.
Ces deux toiles jumelles, liées par un même motif, celui d’une blouse roumaine, ont été achevées respectivement en avril et en octobre 1940. Nous disposons pour cet ensemble de nombreuses photographies des états successifs des deux peintures en cours d’élaboration (pratique à laquelle Matisse a recours en 1935 pour la première fois).
Ces états photographiques permettent de voir comment le peintre élimine, au fil des séances de travail, des éléments décoratifs de La Blouse roumaine pour arriver à son aspect définitif. Dans un travail très proche, Le Rêve est également dépouillé progressivement de ses détails.
Autres tableaux mettant en musique des blouses roumaines :
De 1936 où apparait semble t-il la première blouse roumaine à 1940 et cette 'dernière' blouse roumaine que le centre Pompidou présente actuellement, on retrouve plusieurs blouses roumaines (liste non exhaustive tant l’œuvre de Matisse est dense et immense).
"La Blouse Verte Brodée" ou "Blouse brodée couchée sur le dos, fond vert clair" (1936)
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"Blouse slave à la bergère, (1936) |
"Blouse roumaine aux manches vertes" (1937) |
"Petite Blouse Roumaine avec Feuillage" (1937)
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"La Blouse Roumaine Verte" (1939) |
"Danseuse au Repos" (1939-1940) |
"Nature morte à la femme endormie" (1940) |
"La Blouse Roumaine, Fond Rouge et Bleu" (1940) |
"Femme assise dans un Fauteuil" (1940) |
[les titres des tableaux ne sont pas toujours faciles à trouver, en français ou en anglais. De plus, certains tableaux ont plusieurs titres dont on ne sait lequel est le titre 'officiel' ou même si l'artiste en a donne un titre réel. Les titres donnés ici sont donc à prendre avec précaution]
J'en ai trouvé quelques-uns dans les archives de la bibliothèque Kandinsky du centre Pompidou.
Henri Matisse (juin 1937), vue d'un mur intérieur de la galerie avec neuf tableaux (où l'on voit au milieu la "Blouse roumaine aux manches vertes"), image de la bibliothèque Kandinky
"Blouse roumaine aux manches vertes", huile et crayon Conté sur toile, 1937 de Cincinnati, Cincinnati Art Museum
Dossier pédagogique de l'exposition "MATISSE, LE LABORATOIRE INTÉRIEUR" au MBA de Lyon en 2016/2017 :
C’est au milieu des années trente que de nombreuses blouses roumaines viennent enrichir le vestiaire des modèles de Matisse. L’intérêt de longue date pour ce vêtement semble avoir été accru au contact de Theodor Pallady, peintre roumain et ancien camarade de l’atelier de Gustave Moreau, mais aussi par la présence de Lydia Delectorskaya, jeune femme d’origine russe qui s’impose alors comme son modèle de prédilection. Les motifs végétaux brodés des blouses permettent à l’artiste d’entreprendre un travail graphique qui le conduit progressivement à les simplifier, à les résumer à de simples signes. Point d’aboutissement de l’intérêt de Matisse pour les textiles, dont la collection – tissus, tentures et tapis
– présente dans l’atelier accompagne la création artistique, la série des « Blouses roumaines » constitue aussi ce moment où, partant de l’étude spécifique de motifs, se noue pour l’artiste, une réflexion plus générale sur le décoratif.
Par la présence de quelques repères préalables au fusain, le traitement du placement des contours au pinceau et à la peinture noire ou bien encore le tracé des motifs du vêtement, cette œuvre recèle un caractère éminemment graphique. La couleur vive réservée au traitement du fond s’organise sous forme de larges aplats qui s’interpénètrent et assurent la stabilité du modèle. Le visage de ce dernier, Hélène Galitzine, n’est esquissé que par quelques traits, ses cheveux sobrement suggérés par de simples demi-cercles.
Ainsi la figure humaine, exprimée par des moyens réduits, révèle-t-elle comment la blouse est devenue le sujet véritable de l’œuvre.
D'autres "Blouses" encore dans l’œuvre d'Henri MATISSE, de 1936 à 1939.
La Blouse Noire Brodée (1936)
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La Blouse Verte (1936) |
La Blouse Rouge (1936) |
Jeune femme à la Blouse Bleue (Portrait de L.N. Delectorskaya) (1939)
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Finissons la balade au centre Pompidou par d'autres œuvres de Monsieur Matisse et ses amis.